Partie 1 : Est-ce que je peux être riche et chrétien ?
Le simple fait de poser la question pourrait mettre de mauvaise humeur certains… « Evidemment que oui ! Du moment que l’argent ne prend pas la place de Dieu tout va bien », « L’argent n’est pas mal en soi, c’est ce qu’on en fait qui compte ! ». Est-ce aussi clair ?
« Malheur à vous, riches »
« Mais malheur à vous, riches, car vous avez votre consolation ! Malheur à vous qui êtes comblés maintenant, car vous aurez faim ! Malheur à vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et dans les larmes ! » (Lc 6.24-25). Avec un discours comme ça, Jésus risquait de ne pas se faire des amis partout. Certes, il semble qu’il ne prononce pas un jugement absolu sur n’importe quelle personne riche, mais qu’il enseigne plutôt ses disciples sur un retournement de valeurs : nous sommes appelés à nous réjouir d’avoir faim ! (Lc 6.21) et d’une certaine manière avoir pitié de celui qui est riche, dans la mesure où sa richesse pourrait le mener à sa perte. On voit donc que Jésus n’interdit pas d’être riche, mais qu’il met sévèrement en garde le riche.
Plus loin, Jésus nous met de nouveau en garde contre l’accumulation de biens : « Gardez-vous avec soin de toute soif de posséder, car la vie d’un homme ne dépend pas de ses biens, même s’il est dans l’abondance. » (Lc 12.15). Il donne comme exemple à ne pas suivre un homme qui aurait gagné suffisamment d’argent pour prendre sa retraite anticipée « au soleil » : « Mais Dieu lui dit : ”Homme dépourvu de bon sens ! Cette nuit même, ton âme te sera redemandée […]” Voilà quelle est la situation de celui qui amasse des trésors pour lui-même et qui n’est pas riche pour Dieu. » (Lc 12.20-21). Et pour enfoncer le clou, Jésus continue en enseignant sur notre relation avec nos biens en opposant notre richesse et notre confiance en Dieu : « Vendez ce que vous possédez et faites don de l’argent. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans le ciel, où le voleur n’approche pas et où la mite ne détruit pas. » (Lc 12.33). Difficile de respecter cet ordre en restant riche.
Ainsi, Jésus, sans s’attaquer directement à la création de richesse, condamne ouvertement l’accumulation de richesse, il confirme que celui « qui épargne à l’excès, ne fait que s’appauvrir. » (Pr 11.24).
« Pourtant, Abraham et Job étaient riches ! »
Lorsque Jésus commence à « s’attaquer » aux riches, on pourrait presque entendre l’objection jaillir de son auditoire : « et Abraham ? », « et Job ? ». Il est vrai que l’Ancien Testament nous donne plusieurs exemples (on pourrait en citer d’autres) de riches justes. Abraham et Job montrent en effet dans quelle mesure on peut être riche et juste par leur juste relation avec leurs biens. Abraham accepte de quitter ses possessions à Ur pour suivre Dieu (Gn 12.1), il laisse Lot choisir le pays fertile (Gn 13.6-12) et il refuse tout enrichissement de la part d’un roi païen (Gn 14.21-24). L’exemple de Job est encore plus clair, il est parfaitement conscient que ses richesses appartiennent ultimement à Dieu (Jb 1.21) et qu’il est responsable d’utiliser ses biens pour venir en aide aux pauvres. Sa défense est limpide : « Si j’ai vu quelqu’un mourir par manque d’habit, […] sans qu’il ait été réchauffé par la toison de mes agneaux, […] que mon bras se détache de mon épaule » (Jb 31.19-22).
Ces exemples éclairent donc bien l’enseignement de Jésus. Dieu peut célébrer la droiture d’un homme comme Job, mais uniquement s’il est généreux comme Job… Ce qui pourrait se révéler aussi difficile que d’égaler sa fidélité dans la souffrance…
« Que faire des riches dans mon Eglise ? »
Je ne pense pas que beaucoup de pasteurs se posent la question de cette manière, mais il semble que ce soit justement le propos de Paul à Timothée : « Aux riches de ce monde, ordonne de ne pas être orgueilleux et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant, […] Ordonne-leur […] de se montrer généreux, prêts à partager. Ils s’assureront ainsi en guise de trésor de bonnes fondations pour l’avenir, afin de saisir la vie éternelle. » (1 Tm 6.17-19). Paul ne condamne donc pas les personnes aisées de son assemblée, mais leur demande deux choses : se confier en Dieu plutôt que dans leurs possessions, et d’être généreux.
Donc est-ce que je peux être riche et chrétien ? : Oui et non… D’une manière comparable à la question de l’esclavage, la Bible ne prononce pas de condamnation formelle, mais redéfinit tellement la relation entre celui qui possède et ce qu’il possède, que la question continue de se poser : « suis-je capable d’être riche, tout en restant fidèle à ce que Dieu me demande ? »
Partie 2: Qu’est-ce que Dieu veut dire au riche ?
5 Commentaires
Bonjour ! Je découvre votre blogue stimulant et édifiant, et j’apprécie votre volonté de donner à appréhender la complexité de toute question.
Concernant cet inépuisable sujet, je vous remercie pour votre article pertinent, mettant l’accent sur la responsabilité et qui me paraît tomber à pic par les temps qui courent. D’ailleurs, la parabole de “Lazare et du riche”, racontée par Jésus(Luc 16v19-31), nous invitait à répondre à la question suivante : “les miettes du riche suffisent-elles à nourrir le pauvre ?” Il semble que non, si l’on en croit la fameuse parabole, puisque le pauvre meurt(comme le riche après lui, d’ailleurs). D’autre part, “la brebis du pauvre doit-elle nourrir l’invité du riche ?” Là encore, il semble que non : il suffit de lire ou relire la réaction d’un roi célèbre à ce sujet(2 Sam12v1-6 )-roi dont le rôle est d’« ouvrir la bouche pour le muet et de prendre la cause des délaissés »(Prov.31v8-9). J’en ai parlé ici : https://pepscafeleblogue.wordpress.com/2013/10/22/les-miettes-du-riche-suffisent-elles-a-nourrir-le-pauvre/
Enfin, ce thème me paraît aussi soulever la question de la “pléonexie”, notion qui désigne le fait de « vouloir plus que sa part », et renvoyant en premier lieu à une attitude de « démesure ». Certains penseurs ou historiens(non chrétiens) ont d’ailleurs souligné que la pléonexie, sorte de cupidité(cf les mises en garde dans les épîtres de Paul), fait courir aux sociétés des risques de conflits internes et externes, menaçant l’individu et les groupes sociaux de déséquilibres divers (psychiques ou libidinaux). Sans parler des risques écologiques importants.
Bien à vous et bien fraternellement,
Pep’s
Merci pour votre encouragement et votre apport sur cette question !
Fraternellement,
Clément
Cela pose une autre question : à partir de quand est-on riche ? qu’est-ce qui est du superflu ? Est-ce tout ce qui est au-delà le la nourriture et du vêtement ?
Bonsoir,
en attendant que d’autres répondent, il me semble que l’épisode de la manne(Exode16)nous donne un cadre : « celui qui avait ramassé plus n’avait rien de trop, et celui qui avait ramassé moins n’en manquait pas. Chacun ramassait ce qu’il fallait pour sa nourriture »(v18).
D’autre part, le superflu est ce qui est en plus du nécessaire.
Mais il convient de veiller à ne pas avoir “plus que sa part”, tandis que d’autres auraient moins ou peu, sinon rien (cf 1 Cor. 11v20-21, avec la description des conditions dans lesquelles se célébrait la Sainte Cène parmi les Corinthiens)
Le principe posé par l’Ecriture reste celui de “l’égalité”, cf 2 Cor.8v8-15 : « Le Seigneur s’est dépouillé de sa richesse à cause de notre pauvreté pour que par sa pauvreté nous puissions avoir part à sa richesse. La renonciation du Christ visait ainsi une certaine égalité » (“le message de Noël” ?).
A noter que le terme employé par Paul pour “égalité” est « isotès », qui signifie certes « égalité », mais aussi « justice », « équité », et non « uniformité ».
Et puis il y a 1 Tim.6v7-9 !
Bien à vous et bien fraternellement,
Pep’s
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